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6 juin 2013 4 06 /06 /juin /2013 22:13

Grand plaisir d'échanger en ce jour de vaseco avec Chris Simon sur le thème du pont, des ponts. Vous pouvez trouver mon texte chez elle.

 

 

 

                            Le pont relie deux territoires, le don deux êtres

 

 

Toi, le petit gitan, tu ne nous regardes pas, tu joues. Tu frappes d'un doigt, d'une phalange pliée ou de la paume de la main sur un tambourin sans jamais perdre la mesure de l'accordéon de ton père tandis que ton regard se promène au-delà du wagon.

Tu joues du haut de tes treize ans. Tu devrais être à l'école, apprendre à lire et à écrire. Les autres enfants de ton âge envient ta liberté.  Chaque doigt compte et tous les douze temps, tu hausses les épaules sous ton sweater trop large comme un tic musical.

 

Toi, le petit gitan, musicien du néant, tu souris à ton père, agite le tambourin, enivre le wagon et nous invite à oublier, la pluie, la récession et les frustrations...

 

Toi, le petit gitan, ton visage pale et tes longs cils affrontent l'indifférence, le jugement ou la désapprobation wagon après wagon. Tu joues et ton père chante. Ce soir couché près du périphérique tu écouteras sous la bâche bleue crépiter la pluie et vrombir les voitures. Tu penseras peut-être au confort de nos chambres isolées, mais qui pensera à toi ?

Moi.

Je penserai à toi, petit gavroche de la rame, Oliver Twist des Balkans, à ta musique et celle de ton père. À vos rengaines suaves et fêtardes, gorgées de nos petits bonheurs, nos nostalgies et nos étreintes. Je penserai au wagon dans lequel je t'ai vu et cette occasion que nous n'avons pas prise. Celle de chanter, danser avec vous, de nous amuser, de rire, de nous aimer et d'être un peu fou le temps d'une chanson ou deux. Celle de transformer notre trajet en voyage, notre quotidien en aventure, de tourner nos petits tracas en dérision. Celle de nous abandonner à la vie avec l'insouciance nécessaire à toute félicité.

 

Toi, le petit gitan, tu vis ta vie comme si demain n'existait pas et tes chansonnettes romanesques valent bien plus qu'un euro. Mais l’Histoire ne te remercie pas pour ton don, elle te le fait payer.

 

 

Pont et don
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