Lecture aléatoire et non-philosophique de l'Ethique.
Mais avant de commencer à procéder à ces démonstrations selon notre prolixe ordre géométrique, j'aimerais d'abord montrer brièvement ici ce que nous dicte la raison, pour que chacun perçoive plus aisément ce que je pense. Comme la raison ne demande rien contre la nature, c'est donc elle-même qui demande que chacun s'aime lui-même, recherche ce qui lui est utile, ce qui lui est véritablement utile, et aspire à tout ce qui mène véritablement l'homme à une plus grande perfection, et, absolument parlant, que chacun s'efforce, autant qu'il est en lui, de conserver son être. Ce qui, du reste, est aussi nécessairement vrai qu'il est vrai que le tout est plus grand que la partie. Ensuite, puisque la vertu n'est rien d'autre qu'agir d'après les lois de sa propre nature, et que nul ne s'efforce de conserver son être sinon d'après les lois de sa propre nature, de là suit, premièrement, que le fondement de la vertu est l'effort même pour conserver son être propre, et que la félicité consiste en ce que l'homme peut conserver son être. Il suit, deuxièmement, qu'il faut aspirer à la vertu pour elle-même, et qu'il n'y a rien qui vaille mieux qu'elle ou ne soit plus utile, et en vue de quoi on devrait y aspirer. Il suit enfin, troisièmement, que ceux qui se suicident ont une âme impuissante, et se trouvent défaits par des causes extérieures, qui répugnent à leur nature.
(Ethique IV Proposition XVIII Scolie. Traduction Bernard Pautrat)