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17 août 2013 6 17 /08 /août /2013 16:03

Lecture aléatoire et non-philosophique de l'Ethique

 

 

Et il ne faut pas négliger ici le fait que les Sectateurs de cette doctrine, qui ont voulu faire montre de leur esprit en assignant les fins des choses, ont, pour prouver cette doctrine qui est la leur, introduit une nouvelle manière d’argumenter : la réduction, non à l’impossible, mais à l’ignorance ; ce qui montre bien que cette doctrine n’avait pas d’autre moyen d’argumenter. Car si par ex une pierre est tombée d’un toit sur la tête de quelqu’un, et l’a tué, c’est de cette manière qu’ils démontreront que la pierre est tombée pour tuer l’homme. En effet, si ce n’est pas à cette fin, et par la volonté de Dieu, qu’elle est tombée, comment tant de circonstances (il y faut en effet le concours de beaucoup) ont-elles pu se trouver concourir par hasard ? Tu répondras peut-être que c’est arrivé parce que le vent a soufflé, et que l’homme passait par là. Mais ils insisteront, pourquoi le vent a-t-il soufflé à ce moment-là ? pourquoi l’homme passait-il par là à ce même moment ? Si de nouveau tu réponds que le vent s’est levé à ce moment-là parce que la mer, la veille, par un temps encore calme, avait commencé à s’agiter ; et que l’homme avait été invité par un ami ; de nouveau ils insisteront, car poser des questions est sans fin, et pourquoi la mer s’était-elle agitée ? pourquoi l’homme avait-il été invité à ce moment-là ? et c’est ainsi de proche en proche qu’ils ne cesseront de demander les causes des causes, jusqu’à ce que tu te réfugies dans la volonté de Dieu, c’est-à-dire dans l’asile de l’ignorance. Et il en va de même quand ils voient la structure du corps humain, ils sont stupéfaits, et de ce qu’ils ignorent les causes de tant d’art, ils concluent que ce n’est pas un art mécanique qui l’a construite, mais un art divin ou surnaturel, et constituée de telle manière qu’aucune partie n’en lèse une autre. Et de là vient que qui recherche les vraies causes des miracles, et s’emploie à comprendre les choses naturelles comme un savant, au lieu de les admirer comme un sot, est pris un peu partout pour un hérétique et un impie, et proclamé tel par ceux que le vulgaire adore comme les interprètes de la nature et des Dieux. Car ils savent bien qu’une fois supprimée l’ignorance, la stupeur, c’est-à-dire le seul moyen qu’ils ont pour argumenter et maintenir leur autorité, est supprimée.

    (Ethique I Appendice Trad Bernard Pautrat)

Un été avec Spinoza #25
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