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19 juillet 2013 5 19 /07 /juillet /2013 10:19

Lecture aléatoire et non-philosophique de l'Ethique

 

Pour ce qui touche, en outre, au second point, les choses humaines iraient à coup sûr bien plus heureusement s'il était tout autant au pouvoir de l'homme de se taire que de parler. Or l'expérience enseigne plus que suffisamment qu'il n'est rien que les hommes aient moins en leur pouvoir que leur langue, et rien qu'ils puissent moins maîtriser que leurs appétits ; d'où vient qu'ils croient, pour la plupart, que nous ne faisons librement que ce à quoi nous aspirons légèrement, parce que l'appétit pour ces choses peut aisément être réduit par le souvenir d'autre chose que nous nous rappelons fréquemment, et que nous ne faisons pas du tout librement ce à quoi nous aspirons avec un grand affect et que le souvenir d'autre chose ne peut apaiser. Mais à vrai dire, si d'expérience ils ne savaient que nous faisons plus d'une chose dont nous nous repentons ensuite, et que, quand nous sommes en proie à des affects contraires, nous voyons le meilleur et nous faisons le pire, rien n'empêcherait qu'ils croient que nous faisons tout librement. Ainsi croit le bébé aspirer librement au lait, et l'enfant en colère vouloir la vengeance, et le peureux la fuite. L'homme ivre, ensuite, croit que c'est par un libre décret de l'Esprit qu'il dit ce que, redevenu sobre, il voudrait avoir tu : ainsi le délirant, la bavarde, l'enfant et bien d'autres de cette farine, croient que c'est par un libre décret de l'Esprit qu'ils parlent, alors qu'ils ne peuvent contenir l'impulsion qu'ils ont à parler ; si bien que l'expérience elle-même montre, non moins clairement que la raison, que les hommes se croient libres pour la seule raison qu'ils sont conscients de leurs actions, et ignorants des causes par quoi elles sont déterminées ; et en outre, que les décrets de l'Esprit ne sont rien d'autre que les appétits eux-mêmes, et pour cette raison varient en fonction de l'état du Corps. Car chacun règle toute chose à partir de son propre affect, et en outre, ceux qui sont en proie à des affects contraires ne savent pas ce qu'ils veulent ; et, quand à ceux qui n'en ont point, il suffit de très peu pour les pousser ici ou là.

   (Ethique III Prop II Scolie Trad Bernard Pautrat)

Un été avec Spinoza #7
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