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29 août 2013 4 29 /08 /août /2013 14:26

Lecture aléatoire et non-philosophique de l'Ethique

 

J’en ai fini par là avec tout ce que je voulais montrer concernant la puissance de l’Esprit sur les affects, et la Liberté de l’Esprit. D’où il appert combien le sage est fort, et vaux mieux que l’ignorant, qui agit par le seul appétit lubrique. L’ignorant en effet, outre que les causes extérieures l’agitent de bien des manières, et que jamais il ne possède la vraie satisfaction de l’âme, vit en outre presque inconscient de soi, et de Dieu, et des choses, et, dès qu’il cesse de pâtir, aussitôt il cesse aussi d’être. Alors que le sage, au contraire, considéré en tant que tel, à l’âme difficile à émouvoir ; mais conscient et de soi, et de Dieu, et des choses avec certaine nécessité éternelle, jamais il ne cesse d’être ; mais c’est pour toujours qu’il possède la vraie satisfaction de l’âme. Si maintenant l’on trouve très difficile le chemin que j’ai montré y mener, du moins peut-on le découvrir. Et il faut bien que ce soit difficile, ce que l’on trouve si rarement. Car comment pourrait-il se faire, si le salut se trouvait sous la main, et que l’on pût le découvrir sans grand labeur, que tous ou presque le négligent ? Mais tout ce qui est remarquable est difficile autant que rare.

    (Ethique V Dernière Proposition Scolie Trad Bernard Pautrat)

Un été avec Spinoza #32 (et fin)
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27 août 2013 2 27 /08 /août /2013 16:22

Lecture aléatoire et non-philosophique de l'Ethique

 

 

Mais, pour comprendre cela plus clairement, il faut ici bien remarquer que nous vivons dans un continuel changement, et que c’est selon que nous changeons en mieux ou en pire que nous sommes dits heureux ou malheureux. Qui, en effet, de bébé ou d’enfant se change en cadavre, est dit malheureux, et au contraire on met au compte du bonheur d’avoir pu parcourir tout l’espace de la vie avec un Esprit sain dans un Corps sain. Et, en vérité, qui a, comme le bébé ou l’enfant, un Corps apte à très peu de choses, et dépendant au plus haut point des causes extérieures, a un Esprit qui, considéré en soi seul, n’a presque aucune conscience ni de soi, ni de Dieu, ni des choses ; et, au contraire, qui a un Corps apte à beaucoup de choses, a un Esprit qui, considéré en soi seul, a une grande conscience de soi, et de Dieu, et des choses. Dans cette vie nous nous efforçons donc avant tout de faire que le Corps de bébé se change, autant que sa nature le souffre et s’y prête, en un autre qui soit apte à beaucoup de choses, et qui se rapporte à un Esprit qui ait une grande conscience de soi et de Dieu et des choses ; et tellement que tout se qui se rapporte à sa mémoire ou à son imagination soit presque insignifiant au regard de l’intellect, comme je l’ai déjà dit dans le Scolie de la Proposition précédente.

   (Ethique V Prop XXXIX Scolie Trad Bernard Pautrat)

Un été avec Spinoza #31
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26 août 2013 1 26 /08 /août /2013 11:52

Lecture aléatoire et non-philosophique de l'Ethique

 

 

Le vulgaire, communément, semble persuadé d’autre chose. Car la plupart ont l’air de croire qu’ils sont libres en tant qu’ils ont licence d’obéir à la lubricité, et qu’ils cèdent de leur droit en tant qu’ils sont tenus de vivre selon la prescription de la loi divine. Et donc il croient que la Piété et la Religion, et, absolument parlant, tout ce qui se rapporte à la Force d’âme, sont des fardeaux, qu’ils espèrent déposer après la mort pour recevoir le prix de la servitude, à savoir de la Piété et de la Religion ; et ce n’est pas cette espérance seule, mais aussi et surtout la crainte d’être punis d’affreux supplices après la mort, qui les amènent à vivre selon la prescription de la loi divine, autant que le supportent leur fragilité et leur âme impuissante ; et, s’il n’y avait dans les hommes cette Espérance et cette Crainte, s’ils croyaient au contraire que les esprits meurent avec le corps, et qu’il ne reste aux malheureux, épuisés par le fardeau de la Piété, pas de vie au-delà, ils reviendraient à leur tempérament, et ils voudraient soumettre tout à la lubricité, et obéir à la fortune plutôt qu’à eux-mêmes. Ce qui n’est à mes yeux pas moins absurde que si quelqu’un, pour la raison qu’il ne croit pas pouvoir nourrir son Corps de bons aliments pour l’éternité, préférait s’assouvir de poisons et de choses mortifères ; ou bien, parce qu’il voit que l’Esprit n’est pas éternel, autrement dit immortel, aime mieux être fou, et vivre sans raison ; choses tellement absurdes qu’elles méritent à peine d’être relevées.

    (Ethique V Prop XLI Scolie Trad Bernard Pautrat)

Un été avec Spinoza #30
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24 août 2013 6 24 /08 /août /2013 10:11

Lecture aléatoire et non-philosophique de l'Ethique

 

Mais, pour qu’on comprenne mieux cette puissance de l’Esprit sur les affects, il faut avant toute chose remarquer que nous appelons grands les affects, quand nous comparons l’affect d’un homme avec l’affect d’un autre, et que nous trouvons l’un plus en proie au même affect que l’autre ; ou bien quand nous comparons entre eux les affects d’un seul et même homme, et que nous le trouvons plus affecté ou ému par l’un que par l’autre. Car la force d’un affect quelconque se définit par la puissance de la cause extérieure comparée à la nôtre. Or la puissance de l’Esprit se définit par la seule connaissance, et son impuissance ou passion, par la seule privation de connaissance, c’est-à-dire qu’elle s’estime à cela qui fait qu’on dit les idées inadéquates ; d’où il suit que pâtit le plus l’Esprit dont les idées inadéquates constituent la plus grande part, en sorte qu’on le reconnait plus par ce qu’il pâtit que parce qu’il agit ; et, au contraire, qu’agit le plus celui dont les idées adéquates constituent la plus grande part, en sorte que, tout en ayant en lui autant d’idées inadéquates que l’autre, on le reconnaît pourtant plus à celles-là, qu’on attribue à la vertu humaine, qu’à celles-ci, qui plaident en faveur de l’impuissance humaine. Ensuite, il faut remarquer que les chagrins de l’âme, et ses infortunes, tirent principalement leur origine de trop d’Amour pour une chose soumise à beaucoup de variations, et dont nous ne pouvons jamais être maîtres. Car ce n’est jamais que d’une chose qu’on aime qu’on s’inquiète ou s’angoisse, et offenses, soupçons, inimitiés etc, ne naissent que de l’Amour pour des choses dont nul ne peut être véritablement maître.

    (Ethique V Prop XX Scolie Trad Bernard Pautrat)

Un été avec Spinoza #29
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22 août 2013 4 22 /08 /août /2013 18:09

Lecture aléatoire et non-philosophique de l'Ethique

 

 

Car il faut avant tout remarquer que c’est par un seul et même appétit que l’homme est dit tant agir que pâtir. Par ex., quand nous avons montré que la nature humaine a été ainsi disposée que chacun aspire à ce que les autres vivent selon son propre tempérament ; cet appétit, en l’homme que ne mène pas la raison, est certes une passion, qui s’appelle Ambition, et n’est guère différente de l’Orgueil ; et, au contraire, chez l’homme qui vit sous la dictée de la raison, c’est une action ou vertu, qui s’appelle Piété. Et de même tous les appétits ou Désirs ne sont des passions qu’en tant qu’ils naissent d’idées inadéquates ; et ces mêmes Désirs viennent s’adjoindre à la vertu quand ce sont des idées adéquates qui les excitent ou les engendrent. Car tous les Désirs qui nous déterminent à faire quelque chose peuvent naître aussi bien d’idées adéquates que d’idées inadéquates. Et (pour en revenir là d’où je me suis éloigné) on ne peut inventer en pensée de meilleurs remède aux affects qui dépende de notre pouvoir, que celui qui consiste dans leur vraie connaissance, puisqu’il n’y a pas d’autre puissance de l’Esprit que celle de penser et de former des idées adéquates, comme nous l’avons montré plus haut.

    (Ethique V Prop IV Scolie Trad Bernard Pautrat)

Un été avec Spinoza #28
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21 août 2013 3 21 /08 /août /2013 10:27

Lecture aléatoire et non-philosophique de l'Ethique

 

Puisqu’il n’y a rien d’où ne suive quelque effet et que, tout ce qui suit d’une idée qui est en nous adéquate, nous le comprenons clairement et distinctement ; de là suit que chacun a le pouvoir de se comprendre clairement et distinctement, ainsi que ses affects, sinon absolument, du moins en partie, et de faire par conséquent qu’il en pâtisse moins. Telle est donc la chose à quoi il faut avant tout s’appliquer, à connaître clairement et distinctement, autant que faire se peut, chacun de nos affects, afin qu’ainsi l’Esprit se trouve déterminé par l’affect à penser à ce qu’il perçoit clairement et distinctement, et en quoi il trouve pleine satisfaction ; et, par suite, que l’affect lui-même se trouve séparé de la pensée de la cause extérieure, et joint à des pensées vraies ; par où il se fera que, non seulement l’Amour, la Haine etc., seront détruits, mais qu’également les appétits ou Désirs qui naissent habituellement d’un tel affect ne pourront être excessifs.

    (Ethique V Prop IV Scolie Trad Bernard Pautrat)

 

 

Un été avec Spinoza #27
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18 août 2013 7 18 /08 /août /2013 18:21

Lecture aléatoire et non-philosophique de l'Ethique

 

Mais il faut ici remarquer que la mort survient au Corps, c’est ainsi que je l’entends, quand ses parties se trouvent ainsi disposées qu’elles entrent les unes par rapport aux autres dans un autre rapport de mouvement et de repos. Car je n’ai pas l’audace de nier que le Corps humain, quoique subsistent la circulation du sang et d’autres choses qui font, croit-on, vivre le Corps, puisse néanmoins échanger sa nature contre une autre tout à fait différente. Car aucune raison ne me force à penser que le Corps ne meurt que s’il est changé en cadavre ; bien mieux, l’expérience elle-même semble persuader du contraire. Car il arrive parfois qu’un homme pâtisse de changements tels que j’aurais bien du mal a dire qu’il est le même, comme j’ai entendu dire d’un certain poète espagnol, qui avait été frappé par la maladie et qui, quoique guéri, demeura dans un tel oubli de sa vie passée qu’il ne croyait pas que les Fables et les Tragédies qu’il avait faites fussent de lui, et à coup sûr on aurait pu le prendre pour un bébé adulte s’il avait aussi oublié sa langue maternelle. Et, si ça a l’air incroyable, que dire des bébés ? Leur nature, un homme d’âge avancé la croit tellement différente de la sienne qu’il ne pourrait jamais se persuader d’avoir jamais été bébé, s’il n’en faisait auprès des autres la conjecture pour lui-même. Mais, pour ne pas donner aux superstitieux matière à de nouvelles questions, je préfère laisser cela en suspens.

    (Ethique IV Prop XXXIX Scolie Trad Bernard Pautrat)

Un été avec Spinoza #26
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17 août 2013 6 17 /08 /août /2013 16:03

Lecture aléatoire et non-philosophique de l'Ethique

 

 

Et il ne faut pas négliger ici le fait que les Sectateurs de cette doctrine, qui ont voulu faire montre de leur esprit en assignant les fins des choses, ont, pour prouver cette doctrine qui est la leur, introduit une nouvelle manière d’argumenter : la réduction, non à l’impossible, mais à l’ignorance ; ce qui montre bien que cette doctrine n’avait pas d’autre moyen d’argumenter. Car si par ex une pierre est tombée d’un toit sur la tête de quelqu’un, et l’a tué, c’est de cette manière qu’ils démontreront que la pierre est tombée pour tuer l’homme. En effet, si ce n’est pas à cette fin, et par la volonté de Dieu, qu’elle est tombée, comment tant de circonstances (il y faut en effet le concours de beaucoup) ont-elles pu se trouver concourir par hasard ? Tu répondras peut-être que c’est arrivé parce que le vent a soufflé, et que l’homme passait par là. Mais ils insisteront, pourquoi le vent a-t-il soufflé à ce moment-là ? pourquoi l’homme passait-il par là à ce même moment ? Si de nouveau tu réponds que le vent s’est levé à ce moment-là parce que la mer, la veille, par un temps encore calme, avait commencé à s’agiter ; et que l’homme avait été invité par un ami ; de nouveau ils insisteront, car poser des questions est sans fin, et pourquoi la mer s’était-elle agitée ? pourquoi l’homme avait-il été invité à ce moment-là ? et c’est ainsi de proche en proche qu’ils ne cesseront de demander les causes des causes, jusqu’à ce que tu te réfugies dans la volonté de Dieu, c’est-à-dire dans l’asile de l’ignorance. Et il en va de même quand ils voient la structure du corps humain, ils sont stupéfaits, et de ce qu’ils ignorent les causes de tant d’art, ils concluent que ce n’est pas un art mécanique qui l’a construite, mais un art divin ou surnaturel, et constituée de telle manière qu’aucune partie n’en lèse une autre. Et de là vient que qui recherche les vraies causes des miracles, et s’emploie à comprendre les choses naturelles comme un savant, au lieu de les admirer comme un sot, est pris un peu partout pour un hérétique et un impie, et proclamé tel par ceux que le vulgaire adore comme les interprètes de la nature et des Dieux. Car ils savent bien qu’une fois supprimée l’ignorance, la stupeur, c’est-à-dire le seul moyen qu’ils ont pour argumenter et maintenir leur autorité, est supprimée.

    (Ethique I Appendice Trad Bernard Pautrat)

Un été avec Spinoza #25
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15 août 2013 4 15 /08 /août /2013 10:53

Lecture aléatoire et non-philosophique de l'Ethique

 

 

Nous le voyons par là, il arrive aisément que l’homme fasse, de soi et de la chose aimée, plus d’état qu’il n’est juste, et, au contraire, d’une chose qu’il hait, moins qu’il n’est juste, et cette imagination, quand elle regarde l’homme lui-même qui fait de soi plus d’état qu’il n’est juste, s’appelle l’Orgueil, et c’est une espèce de Délire, à cause que l’homme, les yeux ouverts, rêve qu’il peut toutes les choses qu’atteint son imagination et que, pour cette raison, il contemple comme des réalités qui le transportent de Joie, aussi longtemps qu’il peut ne pas imaginer ce qui en exclut l’existence et délimite sa propre puissance d’agir. L’Orgueil est donc une Joie qui naît de ce qu’un homme fait de soi plus d’état qu’il n’est juste. Ensuite, la Joie qui naît de ce qu’un homme fait d’un autre plus d’état qu’il n’est juste, s’appelle l’Estime ; et celle, enfin, qui naît de ce qu’il fait d’un autre moins d’état qu’il n’est juste, s’appelle le Mépris.

    (Ethique III Prop XXVI Scolie Trad Bernard Pautrat)

Un été avec Spinoza #24
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14 août 2013 3 14 /08 /août /2013 11:28

Lecture aléatoire et non-philosophique de l'Ethique

 

 

Plus cette connaissance, à savoir que les choses sont nécessaires, s’applique aux choses particulières, que nous imaginons de manière plus distincte et plus vive, plus grande est cette puissance de l’Esprit sur les affects, ce qu’atteste également l’expérience elle-même. Nous voyons en effet s’apaiser la Tristesse causée par la perte d’un bien sitôt que l’homme qui l’a perdu considère qu’il n’y avait aucune possibilité de conserver ce bien. Et nous voyons de même que personne ne plaint les bébés de ce qu’ils ne savent pas parler, marcher, raisonner, ni enfin de ce qu’ils vivent tant d’années pour ainsi dire inconscients d’eux-mêmes. Tandis que, si la plupart naissaient adultes, et que l’un ou l’autre naquît bébé, alors on plaindrait chaque bébé, parce qu’alors on considèrerait l’état même de bébé non comme une chose naturelle et nécessaire, mais comme un vice ou péché de la nature ; et nous pourrions faire plusieurs autres remarques dans ce sens.

    (Ethique V Prop VI Scolie Trad Bernard Pautrat)

Un été avec Spinoza #23
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